Nos scientifiques au secours du Grand Tétras des Vosges

21 mars 2022

© Milan Krasula

Ils étaient plus de 1000 coqs au début du vingtième siècle, ils ne sont plus que 9 en 2020 sur l’ensemble du massif des Vosges. Si la diminution des surfaces d’habitats a fortement contribué à sa disparition, les chercheurs estiment que le fort taux de consanguinité serait désormais la principale cause de son effondrement. Pour inverser la trajectoire et les sauver de l’extinction, le Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges a confié à A Rocha la mission d’étudier des scénarios de relâcher de coqs de Grands Tétras pour augmenter la diversité génétique de la population. 

 

Retour sur les causes de la disparition du Grand Tétras

Le Grand Tétras vit aujourd’hui dans quatre massifs montagneux de France : les Pyrénées, les Cévennes, les Vosges et le Jura. En 2018, on comptait 6 000 individus, en très grosse majorité dans le massif des Pyrénées. Les populations des Cévennes et des Vosges, au bord de l’extinction, ne compteraient au mieux que quelques dizaines d’individus, et celle du Jura environ 200*. 

Plusieurs facteurs expliquent la disparition de l’espèce :

– la forte diminution des surfaces d’habitats favorables à l’espèce et leur morcellement souvent héritée d’une gestion forestière passée inadaptée à l’espèce

-l’abroutissement (broutage de broussailles et de jeunes arbres par les animaux sauvages) excessif par les populations de cerfs, en pleine expansion dans toute la France

-la chasse au trophée des coqs au cours du XXème siècle

-la fréquentation humaine des massifs qui atteint des niveaux critiques dans les Vosges et le Jura

-les obstacles comme les câbles des remontées mécaniques ou les clôtures forestières 

-espèce adaptée au froid, le réchauffement climatique est également un facteur

 

Pourtant, des études génétiques** ont montré que la très forte consanguinité des individus dans les plus petites populations comme celle des Vosges était également un facteur très important, qui peut conduire à une chute du succès reproducteur. 

Dans le cadre de la déclinaison vosgienne du Plan National d’Action en faveur du Grand Tétras, le Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges a souhaité étudier la possibilité de renforcer la diversité génétique de la population par le relâcher de coqs en bonne santé.

 

Sans intervention rapide, la probabilité d’extinction est très forte

Les comptages de 2021 indiquent un nombre de mâles chanteurs encore plus bas que 2020***, confirmant la poursuite de la décroissance de la population. 

En partenariat avec le CNRS, le Groupe Tétras Vosges et l’Office Français de la Biodiversité (OFB), notre directeur scientifique Timothée Schwartz a d’abord rassemblé et analysé les données démographiques disponibles sur l’espèce afin de construire un modèle de viabilité (modèle qui permet de connaître le risque d’extinction d’une population en simulant la trajectoire potentielle de la population au cours du temps) simulant la dynamique de la population de coqs. 

 

© wildmedia

 

13 scénarios de relâchers de Grand Tétras étudiés 

Grâce au modèle de viabilité, il est possible de comparer des scénarios basés sur différentes hypothèses, et d’évaluer leurs impacts sur la population. Ainsi, nous avons simulé 13 scénarios de relâchers différents, basés sur l’introduction de coqs issus d’autres populations sauvages, en faisant varier le nombre d’individus relâchés, les sites de relâcher et la durée de l’opération. 

Nous avons testé la sensibilité de notre modèle à différentes hypothèses, telles qu’une plus grande dispersion des individus relâchés, une survie plus faible des individus relâchés et une reproduction plus ou moins améliorée par le renforcement génétique. 

 

Le renforcement génétique impacte clairement la survie de la population

Nos modélisations montrent que l’ensemble des scénarios de relâcher permettraient de diminuer drastiquement la probabilité d’extinction de la population et que parmi les hypothèses testées, celle sur le renforcement génétique a le plus grand impact sur la viabilité de la population.

Sans surprise, plus le nombre d’individus relâchés est grand, plus l’effet sur la taille de la population est important. Si nos résultats ne permettent pas de certifier que la population se maintiendra ou augmentera, l’introduction de coqs de Grands Tétras peut dans tous les cas permettre de gagner du temps pour la sauvegarde de la population des Vosges. Il sera également nécessaire de continuer à agir sur d’autres leviers comme par exemple la qualité de l’habitat, la connectivité entre sous populations ou encore la réduction des dérangements et de la prédation.

Sur la base des résultats de nos travaux et d’une étude de faisabilité technique menée par l’OFB, le PNR des Ballons des Vosges a décidé de mettre en œuvre un projet de renforcement génétique de la population de Grand Tétras des Vosges à partir de 2023.

 

*(Leclercq et Menoni 2018), **(Westemeier 1998; Isomursu et al. 2012; Hammerly, Morrow, et Johnson 2013; Jacob et Foletti 2020), ***(Groupe Tétras Vosges)

 

Entre victoires et défis: réflexions sur l’année 2024 14 décembre 2024
Bilan 2024 et perspectives 2025 du réseau ambassadeur 14 décembre 2024
Dernières nouvelles
Thierry et Margot, nouveaux directeur et responsable événementiel 14 décembre 2024
Retour sur les travaux réalisés aux Courmettes 14 décembre 2024