« Oh ! » Poème sur la crise de l’eau

24 octobre 2022

© Elena Photo

 

Au cœur de nos préoccupations cet été, l’eau est toujours un sujet d’actualité au Domaine des Courmettes, dans les Alpes-Maritimes, où la pluie se fait rare. Employée au Domaine depuis bientôt 6 mois, Yohanna Germain nous partage ce poème saisissant, qui nous rappelle combien l’eau est précieuse et vitale, tout comme Dieu, l’eau vive de nos vies.

 

 

 

Oh !

 

Assez… Assez !

Il n’y en a plus assez…

Asséchées nos gorges !

Assoiffés…

Nos rêves solides, si sûrs d’eux, sont passés à l’état liquide et bientôt, bientôt gazeux

Vapeur, buée…

Le rêve de l’eau en abondance s’évaporera bientôt…

 

Qu’avons-nous fait au ventre vert de la terre

Dieu l’avait faite féconde, fertile

Nous l’avons rendue friable, fragile

 

Il nous échappe maintenant, ce son résigné,

Etonnés, nous ne savons dire que :

Oh…

Eau !

Comme un marcheur délirant en plein désert

Son cerveau trébuchant secondes après secondes sur le seul, le vital, l’essentiel mot

Eau… Oh !

Mirage…

Nos yeux ont pris ombrage de ne plus pouvoir se désaltérer aux sources d’autrefois

Nous venons seulement de comprendre que tu t’en vas…

 

D’âge en âge, ton souvenir s’évapore de nos mémoires

Rare, tu nous habites comme la pépite d’or le chercheur de fortune

Un espoir fou, de te trouver jaillissant à profusion derrière une dune

De pouvoir un jour à nouveau te voir miroiter au creux de nos paumes en pâmoison

Et te laisser nous glisser entre les doigts

Délice de fraîcheur

Comme au temps de l’enfance du monde

Au temps de l’insouciance, lorsque nous te gaspillions gaiement

Gamins, sûrs de nos lendemains

Confiants

 

Oui, ce matin mon puit est tari

Et je ne l’ai pas vu venir

C’est vrai…

Il y en avait tant sur terre

On t’appelait planète bleue depuis des millénaires

Mais aujourd’hui depuis l’espace, on s’étonne devant ce spectacle, on s’agace

Un vulgaire caillou en suspension dans l’univers

Les riches voyageurs dans leurs capsules s’écrient :

« Où est passé la splendeur de la terre ? »

Lorsqu’elle trônait, saphir brillant, au collier du système solaire

 

Irrigué monsieur !

Le progrès a besoin d’être irrigué !

Sécheresse du savoir…

Savoir s’arrêter…

S’arrêter avant qu’il ne soit trop tard…

Avant qu’il n’y en ait plus assez…

 

Craquelée

L’épiderme de notre vieille terre est aride

Comme la beauté d’une femme a fané

Comme le tableau s’est terni au fil des années

Craquelée

Tu es devenue stérile à force d’être saturée de nos exigences toujours plus pressantes

 

Au creux de nos paumes l’eau fuit

Au creux de nos nuits

Nos cauchemars sont déserts,

Seules tes promesses éclairent encore nos vies

Tu es l’oasis sur l’horizon de notre avenir désertique

La seule qui ne soit pas qu’un mirage…

Tu tiens debout et tu veilles, prêt à nous accueillir

Bras ouverts, sans ambages

Toi, vous trois

Père, consolateur et eau vive

Sources de toutes vies.

 

© Yohanna Germain, Oh !, Octobre 2022

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